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Éducation aux médias : et si le Cameroun s’inspirait des modèles étrangers ?

Entre la rigueur finlandaise, l’esprit critique suisse, la coordination française et la participation belge, que peut apprendre le Cameroun pour construire son propre modèle d’éducation aux médias et à l’information ? Pourquoi l’éducation aux médias est urgente au Cameroun La désinformation circule plus vite que la vérité. Les jeunes camerounais grandissent connectés, mais rarement formés à décrypter ce qu’ils lisent, regardent ou partagent. Dans un environnement numérique saturé, l’esprit critique devient une compétence vitale. L’éducation aux médias et à l’information (EMI) n’est pas seulement une affaire d’école : c’est une question de démocratie, de paix sociale et de citoyenneté numérique. Et si le Cameroun regardait ce qui se fait ailleurs pour imaginer sa propre voie ? Ce que font les autres : 4 modèles inspirants La Finlande : l’esprit critique comme réflexe national Souvent citée en exemple, la Finlande a intégré l’EMI au cœur de son système éducatif. Chaque élève y apprend à vérifier les sources, analyser les intentions derrière les messages et comprendre le rôle des médias dans la démocratie. Ce n’est pas une matière isolée, mais un fil conducteur présent dans toutes les disciplines. Résultat : une population parmi les plus résistantes à la désinformation dans le monde. La Suisse : un modèle de coéducation En Suisse, l’éducation aux médias repose sur un dialogue permanent entre école, familles et médias. Des programmes locaux favorisent les débats intergénérationnels autour du numérique, et les élèves participent eux-mêmes à la création de contenus et aux débats. L’approche est collaborative, fondée sur la confiance et la participation de tous les acteurs éducatifs. La France : une structuration nationale Depuis 1983, la France dispose du CLEMI (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information), qui coordonne les actions à l’échelle du pays. Il forme les enseignants, développe des ressources pédagogiques et soutient des initiatives scolaires comme la « Semaine de la presse et des médias à l’école (SPME) ». Ce modèle montre l’importance d’une stratégie nationale claire et soutenue par les pouvoirs publics. La Belgique : l’éducation par la pratique En Belgique, l’EMI s’est construite autour des initiatives de la société civile et de l’éducation populaire. Les jeunes y sont encouragés à devenir acteurs : à produire eux-mêmes des podcasts, des journaux ou des vidéos, pour mieux comprendre les mécanismes médiatiques. C’est une approche vivante, horizontale et participative, centrée sur l’expérimentation. Lire aussi : Internet sous pression : quand la désinformation cache la répression numérique  Et le Cameroun dans tout ça ? Le Cameroun ne part pas de zéro. Il avance, mais sans cadre national solide. Dans les écoles, l’EMI reste peu présente. Pourtant, sur le terrain, des acteurs locaux innovent et agissent. Depuis quelques années, des initiatives locales émergent pour combler le vide laissé par l’absence d’une véritable politique nationale d’éducation aux médias et à l’information. Si l’école camerounaise reste encore peu outillée pour former les élèves à la lecture critique de l’information, des organisations de la société civile ont pris le relais, avec conviction et créativité. Parmi elles, Class Pro : qui en a fait un combat quotidien. Elle se distingue par son approche communautaire et critique. Fondée en 2022, l’association s’est donnée pour mission de rendre l’EMI accessible à tous les publics – jeunes, enseignants, journalistes, femmes et leaders communautaires à travers des projets comme #VOFEM, #JeunesVoixCritiques ou la Bourse EMI. Sa devise, « L’EMI sur tous les fronts », traduit bien sa vision : l’esprit critique est un outil d’émancipation et de justice sociale. Aux côtés de Class Pro, Eduk-Média. Pionnière et autre actrice clé, elle œuvre également à sensibiliser et former, notamment dans le milieu scolaire. L’organisation s’investit dans la production de contenus pédagogiques, la formation d’enseignants et la promotion d’un usage responsable du numérique. Ces deux acteurs illustrent la vitalité d’une société civile camerounaise qui ne se résigne pas à attendre des réformes venues d’en haut. Pourtant, le défi reste de taille : comment faire passer ces initiatives pionnières à l’échelle nationale ? Sans un cadre institutionnel clair, un appui public et une coordination entre les acteurs, l’EMI au Cameroun risque de rester cantonnée à des actions ponctuelles, alors qu’elle devrait devenir un pilier de l’éducation citoyenne et numérique. S’inspirer sans copier : vers un modèle camerounais S’inspirer de l’étranger, oui. Copier, non. Chaque pays a développé son approche en fonction de son histoire, de sa culture et de ses priorités. Le Cameroun, lui aussi, peut inventer sa propre voie, en combinant le meilleur des modèles existants : – De la Finlande, il peut tirer la rigueur pédagogique et la transversalité de l’enseignement critique. – De la Suisse, la co-construction entre acteurs éducatifs, médias et familles. – De la France, la structuration institutionnelle et la formation des enseignants. – De la Belgique, l’apprentissage par la pratique et la participation des jeunes. En adaptant ces forces à ses réalités locales : diversité linguistique, fractures numériques, contexte social et politique, le Cameroun peut bâtir une culture médiatique citoyenne et inclusive, au service de la démocratie. Lire aussi: Quand l’humour éveille l’esprit critique Construire notre propre modèle L’éducation aux médias n’est pas un luxe réservé aux pays du Nord. Elle est une condition de la liberté d’expression, du vivre-ensemble et du développement. Le Cameroun dispose déjà d’acteurs engagés, de jeunes créatifs, d’enseignants curieux et de médias désireux de mieux informer. Il ne manque plus qu’une vision partagée, une volonté politique et des synergies. Construire un modèle national d’EMI, c’est construire une société plus libre, plus critique et plus responsable. Au cœur de cette ambition, Class Pro porte une vision claire : « Faire de chaque citoyen un acteur éclairé et responsable du numérique, capable de naviguer, créer et collaborer dans un environnement digital inclusif, éthique et résilient, où l’éducation aux médias et à l’information est une priorité partagée par tous. » Surtout un environnement où chaque citoyen camerounais sache lire, comprendre et agir dans le monde médiatique. Le défi est grand, mais la route est tracée. Avec des acteurs engagés, des jeunes créatifs et des enseignants curieux, le Cameroun peut devenir

Transformer les jeunes en acteurs de la démocratie numérique

Les jeunes Camerounais passent trois fois plus de temps sur les réseaux sociaux que la moyenne mondiale. Entre liberté d’expression et désinformation, comment les transformer en acteurs conscients et responsables de la démocratie numérique ? Dans nos manuels scolaires d’Éducation civique et morale, on apprend à respecter l’autre, à observer, à raisonner, à faire preuve d’esprit critique. Mais sur internet, ces valeurs sont souvent mises à rude épreuve. Selon le rapport Digital 2025 Global Overview, les jeunes de 16 à 24 ans passent trois fois plus de temps sur les réseaux sociaux que la moyenne mondiale. Ces espaces d’expression et de créativité sont à la fois des laboratoires d’idées et des zones de turbulence. Ils peuvent élever le débat… ou au contraire amplifier la haine, la désinformation et les divisions.  La citoyenneté numérique : un pilier éducatif incontournable Dans ce chaos informationnel, la citoyenneté numérique devient un enjeu éducatif crucial. Elle ne se limite pas à savoir utiliser une application ou un smartphone, mais à développer les compétences, les droits et les responsabilités nécessaires pour évoluer en ligne de façon critique, éthique et sûre.  “Être un citoyen numérique, c’est comprendre qu’un clic peut construire… ou détruire.”   Être un citoyen numérique, c’est : – vérifier une information avant de la partager ; – respecter les opinions des autres dans un débat en ligne ; – comprendre les conséquences de ses publications ; – protéger ses données personnelles ; – et utiliser le numérique pour le bien commun.  Fracture numérique et vulnérabilité informationnelle Au Cameroun, la fracture numérique reste une réalité. Dans plusieurs zones rurales, l’accès à internet demeure instable ou coûteux. Cette inégalité ne prive pas seulement les jeunes d’information : elle accentue leur vulnérabilité face aux fausses nouvelles et aux discours manipulateurs. Pendant que certains surfent, d’autres subissent. Et dans ce contexte, l’intelligence artificielle vient complexifier la donne, en amplifiant la désinformation et les contenus trompeurs.  Pour une éducation hybride et inclusive Former une jeunesse critique et responsable nécessite une approche numérique et hybride : – allier les méthodes pédagogiques traditionnelles aux outils en ligne ; – impliquer les enseignants dans la formation à l’esprit critique numérique ; – valoriser les initiatives locales d’éducation aux médias ; – créer des espaces de dialogue entre jeunes sur leurs pratiques numériques. C’est à ce prix qu’on transformera les jeunes Camerounais en acteurs éclairés de la démocratie, non plus spectateurs d’un monde numérique qu’ils subissent, mais citoyens capables d’y agir avec discernement.  En route vers 2025 : la citoyenneté numérique comme arme de paix En pleine période d’élections présidentielles de 2025, la citoyenneté numérique n’est pas un luxe. C’est une arme pacifique contre la manipulation et la division. Former les adolescents à des débats en ligne respectueux et argumentés, c’est déjà semer les graines d’un Cameroun uni, informé et résilient.    “Éduquer à la citoyenneté numérique, c’est éduquer à la démocratie, celle qui se vit autant dans la rue que sur nos écrans.”   Cet article s’inscrit dans la mission de Class Pro, qui œuvre pour une éducation aux médias et à l’information (EMI) sur tous les fronts : à l’école, dans les médias et dans la société. À travers ses programmes et ses campagnes, Class Pro accompagne les jeunes dans la construction d’une citoyenneté numérique consciente, critique et solidaire. Signé Paule Mazarine Abossolo

Rencontre avec Peter Cunliffe-Jones, fondateur d’Africa Check

Fondateur d’Africa Check et pionnier du fact-checking sur le continent, Peter Cunliffe-Jones a marqué de son empreinte la 4ᵉ édition du Africa Facts Summit, organisée pour la première fois dans un pays francophone, le Sénégal. En marge de l’événement, Class Pro et Fakt ont échangé avec lui sur un sujet central : le lien entre vérification de l’information et éducation aux médias.  Du fact-checking au mouvement panafricain Quand Africa Check a été lancé il y a plus de dix ans, l’idée de créer un réseau panafricain de vérificateurs paraissait ambitieuse. Aujourd’hui, la réalité dépasse les attentes : des dizaines d’organisations, du Nigéria au Cameroun, du Sénégal au Zimbabwe, se sont appropriées cette culture de la rigueur. Ce qui m’a le plus surpris, confie Peter Cunliffe-Jones: « c’est la rapidité avec laquelle la vérification est devenue un mouvement citoyen. Nous sommes passés du journalisme à la communauté. » Une communauté aujourd’hui soudée, diversifiée, et animée par un même objectif : défendre l’intégrité de l’information. Lire aussi: Quand l’humour éveillé l’esprit critique : le regard de Zohoré Lassane au Africa Facts Summit 2025 Le dialogue nécessaire avec l’éducation aux médias Pour le fondateur d’Africa Check, le fact-checking ne doit pas rester un outil réservé aux rédactions, si nous voulons réellement combattre la désinformation, nous devons aider les citoyens à développer eux-mêmes les bons réflexes. Ce dialogue entre vérification et éducation aux médias est crucial, notamment pour toucher les jeunes et les publics en dehors du système scolaire. C’est là que se rejoignent les missions de Class Pro et d’Africa Check : former une génération capable de questionner, d’analyser et de décider à partir de faits. Vers une culture panafricaine de l’esprit critique Les réponses de Peter Cunliffe-Jones à nos questions au #AfricaFactsSummit2025 a réaffirmé une conviction que partage Class Pro : la vérification n’a de sens que si elle se transforme en éducation. C’est à ce prix que l’Afrique construira une société où la vérité ne sera pas seulement recherchée, mais comprise et partagée. Ensemble, construisons une Afrique critique, informée et résiliente.

Quand l’humour éveille l’esprit critique: le regard de Lozoré Lassane au Africa Facts Summit 2025

Dans la salle du #AfricaFactsSummit2025 à Dakar, les mots s’entrechoquent, les idées se croisent, les voix s’élèvent. Et, au fond, un crayon danse sur le papier. À chaque trait, un message. À chaque sourire esquissé, une réflexion. Zohoré Lassane, caricaturiste ivoirien pour Cartooning for Peace, a accompagné les débats en dessinant en simultané. Tandis que les participants échangeaient sur la désinformation, la démocratie et l’intégrité de l’information, lui traduisait ces enjeux complexes en images accessibles, drôles et percutantes. Le contexte : une rencontre entre le trait et la vérification Cette interview singulière s’inscrivait dans une collaboration inspirante entre Class Pro et Fakt, deux organisations africaines engagées pour une information critique et responsable. En marge du sommet, nous avons échangé avec Zohoré Lassane sur le pouvoir du dessin et de l’humour dans l’éducation aux médias et à l’information (EMI). Quel est le moment le plus difficile quand il dessine en direct devant un public ? A-t-il déjà été témoin d’une réaction inattendue ? Quel rôle l’humour et le dessin peuvent-ils jouer dans la sensibilisation et l’éducation aux médias ? À travers ses réponses, l’artiste dévoile la complexité de son métier : capter l’instant, écouter les émotions, traduire le réel sans trahir sa vérité.   Le dessin, une autre forme de fact-checking Pour Zohoré Lassane, le dessin est bien plus qu’un art visuel : c’est une forme d’éducation populaire. Il fait réfléchir, désamorce les tensions et rend les messages plus accessibles, surtout auprès des jeunes publics. “Un dessin peut résumer une conférence entière. Il fait sourire, mais il oblige aussi à penser” confie-t-il. Dans une ère saturée d’images et de fausses nouvelles, l’humour devient une arme douce : il interroge sans agresser, dévoile sans imposer. Chaque caricature devient alors une forme de vérification citoyenne, un miroir de notre société et de ses paradoxes. Lire aussi: Quand le fact-checking et l’éducation aux médias imaginent l’Afrique de demain  L’EMI sous toutes ses formes Les dessins de Zohoré Lassane au sommet ont rappelé combien l’Éducation aux Médias et à l’Information (EMI) ne se limite pas aux mots, ni aux écrans. Elle peut aussi se dessiner, se raconter, se rire. C’est tout le sens du travail de Class Pro, qui œuvre à rendre l’EMI vivante, inclusive et créative à travers ses programmes comme #VOFEM (Voix des Femmes et Filles Médiatrices). Une Afrique qui pense, rit et agit En dessinant pendant les débats, Zohoré Lassane a offert un autre regard sur le fact-checking : celui de la satire bienveillante, du trait qui relie au lieu de diviser. Ses dessins sont devenus un espace de dialogue, un lieu de respiration entre deux vérités. Et si, demain, chaque caricature devenait une leçon d’esprit critique ? Ensemble, faisons de l’Afrique une région critique, informée et résiliente.

Class Pro est une association qui mobilise l’action civique pour lutter contre les désordres informationnels

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